Transcription d’un enseignement oral. ( janvier 2022)

Réflexions autour du mantra
TAMASO MA JYOTIR GAMAYA ,
les facettes de TAMAS
et f
ragments de réponses à des questions

 

D’un point de vue dualiste, nous demandons de sortir du côté négatif de TAMAS.
Dans le yoga le plus classique, on estime que c’est la pire des vibrations (inertie opacité), c’est le contraire de ce qui est en mouvement.
C’est la sidération des ténèbres, de l’effondrement, c’est patauger dans tout ce qui nous enfonce, ce peut être une sorte d’indolence irresponsable, une culture de l’ignorance pleine de lâcheté, une sorte d’indigestion par encombrement, une  tiédeur, contraire de la ferveur et de la joie.

Tamas stérilise et englue : dans la prière universelle de Sivananda, on demande  « d’être  délivré du doute de la peur et de l’inertie »

On peut alors essayer de vivre cet appel : MA (nous, ensemble) JYOTIR (lumière élan) GAMAYA.
 C’est un vœu.
On ose se tourner vers (vers qui, vers quoi ? c’est au-delà de tout) , mais on demande GAMAYA, on demande d’être conduit… on ne sait pas).
Et on n’imagine pas la force du mantra, on n’imagine pas à quel point on peut être conduit.
On n’est pas toujours conduit là, ou comme on le voudrait.
St Paul disait, « Ce n’est plus moi qui dirige ma vie, c’est LUI, je suis conduit, je suis guidé ».
C’est notre part étincelle  divine qui se révèle en nous et dérange notre petite vie tranquille.  C’est une transmutation (Aurobindo) à partir de la matière.

On retrouve en alchimie le fait de passer par « l’œuvre au noir », nigredo : la putréfaction.
L’Œuvre de transmutation commence par chercher la matière première ( materia prima) et accepter cette période de putréfaction qui forme l’humus ( humilité).
Cela remet beaucoup de choses en cause et invite à laisser, lâcher des formes (par exemple des formes de pensée, des opinions).
Nous ne vivrons pas en 2022 comme en 2021…ça ne sent pas toujours bon la putréfaction mais dans le tantrisme on dit que c’est sur le fumier que poussent les roses, tout est bon.

Cependant TAMAS peut aussi  être vu comme un moment de gestation intime, de grotte. La nuit est protectrice.
C’est intéressant de se tourner vers la nuit, qui repose et qui cache ce qui pouvait nous brûler.
Les dieux, les avatars de Vishnou sont bleus comme la nuit, disent les textes.
C’est peut-être pour évoquer le côté bienfaisant, nocturne,  qui protège d’une insolation psychique par exemple.
Le fait d’être en pleine lumière peut fatiguer.
Nous devrions périodiquement « jeûner » de nos activités.
C’est salvateur d’arrêter de temps en temps pour ne pas s’identifier à nos missions, nos tâches. En être privé.
Je fais le lien avec l’humilité de vieillir.
On  ne peut plus faire comme avant. On perd la toute-puissance de la jeunesse et de la santé, et on sait comme la maladie peut nous apprendre la patience et l’humilité.
Le côté  suspect d’un élan « toujours là, toujours d’accord, toujours vaillant »,  peut  irriter les autres.
C’est important d’avouer nos peines, nos fatigues,  pas pour se plaindre,  mais pour partager une certaine humilité et en même temps ça nous rend fort car si on peut témoigner de notre faiblesse,  c’est qu’on est au centre KHA.

Dans son livre, La Bhagavad Gita, Colette Poggy développe ce KHA, le gond de la porte qui ne bouge pas.
TAMASO MA JYOTIR GAMAYA,  d’un point de vue tantrique,  nous demande d’englober tout, parce que Shiva, ELLUI, c’est celui qui danse, DUKHA et SUKHA, il est l’essence du samsara et l’incarnation de la compassion.
Tout est une question de plans et de retour à l’essentiel.
Kha le centre et SUKHA c’est ce qui est heureux, bien centré, DUKHA, mal centré, hors de ses gonds, ce qui est ressenti comme malheureux, la souffrance.
O
n demande donc d’être conduit  à travers toutes nos épreuves, tout ce qui nous peine, comme à travers tout ce qui nous fait du bien.  C’est un étirement.
L’oiseau de l’âme ouvre ses ailes, nous étirons notre conscience entre  douleur et  liberté.
Nous avons aussi deux ailes et  le Cœur est au centre. Cela nous permet d’englober tout et dire merci pour tout, essayer de découvrir que l’on peut être conduit, découvrir notre tâche, consentir à ce qui est et faire grandir la gratitude.
Nous retrouvons non seulement le dharma mais aussi le Svadharma, notre propre dharma, notre place, notre rôle, ce pourquoi on est venu au monde, nos talents à faire fructifier, quel est le sens de notre vie, que voulons-nous faire en 2022 ?, pour jouer notre rôle dans le théâtre de la vie,  accomplir ce que nous pouvons accomplir ?
Nous devenons des êtres accomplis si nous accomplissons ce que nous devons accomplir. Comment le savoir ? On le sait par cette petite lumière en nous ou alors on sent que ce n’est pas ça…et nos maîtres nous guident.  Ce que nous accomplissons, c’est le samsara, nous jouons des personnages, nos facettes, nos rayons dans cette roue de la vie.
Nous partons de kha le centre et allons dans tous les pétales, toutes les relations différentes que nous avons aux autres (on n’est jamais le même) et cela donne un visage à L’amour Infini, une tendresse.
Nous sommes des apprentis qui témoignons dans l’incarnation,  ELLUI, on dit que Dieu est dans l’entre deux, l’entre dieu.
C’est dire que la relation à l’autre est la pierre de touche d’une authenticité spirituelle.

En ayant, dans ce mantra, la demande  d’être conduit  on ne rejette pas TAMAS, on le traverse pour trouver JYOTIR, la lumière et l’élan. TAMAS c’est la terre.
On ne passe pas de l’un à l’autre, pur et détaché de tout. Nous sommes impliqués dans la vie. Ce n’est pas l’effacement. Dans le tantrisme on dit que le nirvana et le samsara se répondent.
Donc, se poser la question quel est mon Svadharma en ce moment ? Qu’est-ce que j’ai à faire, sans essayer d’échapper à dukkha, sans s’endormir dans sukha, par sthira (étirement) et le vivre vraiment en conscience, en adoration, en ferveur.

Se retirer, parfois jugé comme tentation : un aspect « positif » de tamas ?S’extraire, se retirer correspond à une aspiration profonde pour prendre un temps de pause, silence, d’écoute intérieure, comme une réponse à une expérience de l’infini.
Quand on a fait l’expérience de l’infini, on a plusieurs réponses (souvent contradictoires).
Une des réponses est de vouloir rester dans une grotte, tentation de poursuivre cette  expérience très intime,  impossible à communiquer.
On en trouve des témoignages  chez les poètes, les saints, les sages. Comment dire, partager, l’indicible ? Et pourquoi, pour qui, revenir à l’extérieur? C’est difficile, cela peut sembler vain et  on n’a pas envie de profaner cette intimité.
Il y a un temps pour tout et un rythme particulier à chacun.
C’est pareil dans l’hibernation, les graines se préparent, elles se chargent de plein de sucres, vitamines pour donner un germe.
Cette expérience intime, fervente, nous met au diapason d’une harmonie secrète, c’est en arrière fond constant,  douce comme une basse continue en musique.
Cependant vient aussi  l’autre mouvement, l’élan, le partage JYOTIR.
On  peut aussi avoir un grand élan et une envie d’incarner dans le dharma ce qu’on a vécu.
C’est l’étirement, parfois vécu comme un déchirement et /ou un agrandissement de notre être.
Ce qui change dans la solitude,  c’est qu’elle est choisie ou subie,  partagée ou non.
Et qu’est-ce qui nous fait sortir de la grotte de nos réserves ?
Pour qui, pour quoi on change ? Par amour.
Le manque de l’autre, qui empêche de disparaître, c’est ce qui stimule le cœur, la joie d’aimer.
Aimer cela nous rend vulnérable, parfois blessés, fragiles, et ça nous met en joie. Ça peut être vertigineux et il y a des oubliettes …
Quand nous voulons changer, c’est par amour.
Sans ferveur pour la Présence, on ne trouve pas le moteur.
L’inspiration vient parce que nous nous sommes inclinés, donnés dans l’expir et le souffle  vient nous remplir parce qu’on l’appelle.
Quelquefois pour fuir notre Svadharma, on retrouve le déni, on tourne autour du pot ne voulant pas aller vers ce qui est crucial (croix).
On voit bien en thérapie quand on approche de ce qui est important cela s’exprime souvent en terme de « ne pas ».
Qu’est ce qui essaie de se dire dans ce « ne pas » ? On recule en mettant en avant nos doutes, notre inertie.
Il nous faut beaucoup de discernement pour apprivoiser  nos résistances, nos vertiges.
 Nous sommes placés dans la meilleure situation par les circonstances de notre vie  pour travailler notre Svadharma et résister à nos ignorances entretenues :
Cheminer dans la  voie du milieu. Une Voie ardente, pleine de  ferveur,  sans aller vers les extrêmes.
La putréfaction n’est pas la mort, c’est la renaissance.
Comme le fruit doit pourrir pour que l’amande s’ouvre au cœur du noyau et fasse rejaillir  l’arbre, donc aller voir et chercher le neuf, vivre le neuf .
Et ça va dans tout, nos habitudes, notre corps, nos pensées, dans s’adapter.
C’est par amour que l’on se transforme. L’adaptation n’est pas toujours simple et peut passer par plein de refus.

Donc je reviens à TAMAS, essayons  d’aimer, la nuit et le jour, le retrait et l’engagement dans l’action…
Accepter ce qui est beau dans être tranquille.
L’oiseau n’ est pas toujours en train de voler. 
Il ne s’agit pas, comme dans une  face tordue du dévouement, de  s’oublier pour se mettre dans le désir de l’autre et oublier  son centre, oublier son petit moi épuisé.
Il s’agit de  revenir au centre en amitié avec soi sans vouloir aller au-delà des limites, se reposer.
Avoir le regard neuf,  lavé de nos rotures  (Michel Ange chevalier), un regard de compassion sans mièvrerie.
Poser, oser  un regard neuf, en particulier sur les êtres. On a tellement tendance à dire « celui-là est comme ça…. ». Ce n’est jamais, jamais enfermant,  jamais personne n’est complètement fichu, il faut toujours garder un espoir et jamais personne n’est parfait non plus.
Vivre les différentes facettes de notre être, c’est  passionnant …
Ne  pas oublier que nous sommes un cristal, un joyau taillé, et c’est par ses facettes que le diamant capte et rayonne la lumière qui vient le toucher.
Il ne produit pas cette lumière mais sa gangue s’est brisée, il est sorti de l’ombre,
il offre sa présence à la Présence.