il y a un temps de latence, un suspens, un virage, nous y sommes. Ascension Pentecôte : c’est le temps où la chrysalide ne sait plus qui elle est.
L’ancienne larve, chenille est devenue une bouillie de molécules qui se réorganisent autrement.
Une cristallisation qui sera une nouvelle forme à partir du même substrat.
Nos éclats, fragments de mosaïque en puzzle vont dessiner le sens profond de notre passage sur terre.
« Accepte que Ma parfaite Présence
se reflète dans chacun des fragments
de ta merveilleuse imperfection.
Car en tes fêlures – reconnues –
Je me fraie un passage. »
En ce temps de mai juin 2020, nous pouvons voir en nous, et autour, les vacillements qu’induit le dé-confinement après le confinement.
L’oiseau dont on ouvre la cage peut se sentir « exposé » lorsqu’il hésite à se lancer dans le vide…
Nous avons, par force, découvert de nouveaux modes de vie, plus intériorisés et sommes maintenant invités à prendre le risque de vivre ensemble.
Nous avons perdu collectivement l’illusion de la toute puissance, nous nous savons mortels, donc responsables de nos choix…
Nous pouvons être tentés de repartir « comme avant » , nous étourdir de faire et consommer, mais reste la trace de cette exploration de nos grottes intimes.
De ce retrait réfléchi peut se trouver l’allant et l’élan de réajuster nos vies…
Sans préjuger d’une vérité religieuse ou pas, l’histoire de Jésus telle qu’elle est racontée dans les actes des apôtres est un enseignement très fort .
Je rappelle la tradition ( quand je me réfère aux mythes chrétiens vous savez que je répugne pas au « catéchisme façon Madhuri »).
Cette histoire parle de deuil de ce qui fut, pour accueillir et inventer ce qui sera, un apprentissage de l’autonomie .
Après Pâques, le Maître qu’on a cru perdu, – torturé et tué comme tant qui ont dérangé – revient sous une forme différente, mystérieuse, ressuscité et non réanimé .
Il enseigne ses disciples qui sont en attente de ses apparitions.
Il les éclaire sur son Enseignement à comprendre sur un plan plus profond. Leurs yeux et leurs oreilles s’ouvrent.
Mais cela ne peut durer car ils en deviendraient dépendants.
Il annonce alors son envol pour qu’ils découvrent le Maître intérieur.
C’est l’Ascension, départ nécessaire. Elle permettra la descente d’un Souffle qui va les emplir de joie , d’intelligence et de force.
Les disciples, comment vivent-ils cette absence, un peu perdus peut-être, en crise ? En colère et en chagrin peut-on imaginer, car à quoi bon ressusciter si c’est pour finalement disparaître un mois après ? Ils ont perdu le guide sur qui se reposer et savent qu’il faut réinventer une vie qui ne sera plus « comme avant ».
Sept semaines, cinquante jours après la Pâque , c’est la grande fête juive de Chavouot .
Fraternellement, ils se réunissent autour de la Mère et sont alors emplis d’une Présence qui les transforme, l’Esprit saint.
On les croit ivres – « ils sont emplis de vin doux » – mais c’est une allégresse qui ne dépend pas d’une drogue.
C’est la Pentecôte. Une grâce descend en eux, ils peuvent « Parler en langues », flamber d’Amour, témoigner d’une autre dimension…
Cela nous arrive aussi lorsque nous entendons une plainte qui nous déchire de compassion et n’avons aucune « solution » à la souffrance qui nous est confiée.
Alors, si nous respirons, un geste, une parole peuvent surgir qui nous enseignent en même temps qu’ils nous inspirent. Nous nous entendons dire ce que nous ne savions pas mais qui est la langue du Cœur, celle que l’autre peut entendre, recevoir ; et ce ne sont pas que des mots.
C’est une vie respirituelle…
Personnellement je vis toujours ce temps comme une mutation, je confie là un pan intime de ma vie.
En 1983, mon Maître Gabriel Monod Herzenva mourir et je saisis le pont de l’Ascension pour aller lui dire adieu sur le lit où il repose , très émacié, quasiment transparent, épuisé et lumineux.
Peu de mots mais un amour intense : nous éprouvons tous deux la gratitude de s’être rencontrés dans cette vie et savons, même les larmes aux yeux, que c’est une union bien au delà de la mort, une union avec l’UN.
Il quitte son corps le 22 mai, et est incinéré selon sa volonté.
A la Pentecôte, je reviens à Paris chercher la bibliothèque d’alchimie qu’il m’a léguée, l’héritage de la lignée : il est déjà dispersé en cendres et sa flamme transmise éclaire mon engagement qui dure toute la vie.
Ce qui a été une rencontre fondatrice , celle qui fait que j’enseigne le purna yoga, ne s’est révélée que petit à petit au cours des années.
La remontée des souvenirs, le regret de n’avoir pas posé plus de questions, mais aussi l’éclairage toujours plus profond de ce qui a été reçu , tout cela se poursuit.
Je crois qu’en vous racontant cela, je témoigne du deuil de l’évidente présence immédiate, corporelle ; et de la joie que cela se propage en rayonnement.
De nos parents et amis chers que nous continuons à aimer, nous ne sommes séparés qu’en apparence parce qu’aimer nous enseigne et nous guide.
Ascension Pentecôte : Une découverte , la nostalgie de la Présence nous a mis en chemin, et c’est toujours déjà là en fait, au Cœur de notre cœur.
Oui, nous sommes plus que jamais d’ humbles apprentis !
Monter/ descendre comme le Souffle en nous ; la sève dans les plantes, version végétale de la kundalini ;
Recevoir/ donner ;
Quitter un plan pour accueillir un nouveau regard ;
C’est une clé de Vie.
Déconfinons-nous, osons être ce à quoi nous aspirons profondément !
Et il se peut que ce soit se mettre en retraite, retrait pour couver le feu ardent , ou bien comme s’élancer en actes dédiés.
Ce qui importe c’est d’aligner sa vie comme si on la quittait demain et qu’on n’ait pas de regrets ni d’attentes.
Cela EST et nous y consentons. Ensemble.