Enseignement du 24 mars 2021: A propos du « NOTRE PERE »

24 mars 2021 : A propos du « NOTRE PERE »

(Premier jet qui sera enrichi et complété)

 

On est rassemblés … le yoga rassemble, notre désir de poursuivre ensemble.
La Présence est là entre nous, grâce à,  à cause,  de ce fait ce qu’on appelle Dieu est dans  l’entre deux, l’entre DIEU. La Présence infinie est dans la relation. L’amour se manifeste parce qu’il y a 2 ou plusieurs…En lien, en rencontre.
Beaucoup de mystiques dans le christianisme ou autres,  expriment  ce désir de Dieu de  manifester l’Amour, le « vivre » dans le consentement de l’homme, dans sa liberté. L’homme  n’est pas comme  les anges ou les animaux, il peut dire oui ou non, choisir librement.
En sanscrit  dev, devi, deva,  a donné le mot lumière,  le jour : div, diurne, divinité. C’est la Grande Lumière. Chaque fois que l’on prononce le nom des jours de la semaine, nous évoquons la lumière DI. Par exemple Mercredi c’est le jour de Mercure, Hermès pour les alchimistes, Jeudi, jour de Jupiter…etc… C’est pourquoi il serait dommage de se bloquer sur le mot « dieu »

A votre demande, j’improvise comment relire le « Notre père »  dans la voie du cœur, en jetant quelques pistes.
Il y a d’emblée ce choix du « notre » : Nous ensemble, nous avons une origine commune, une filiation. Et ici c’est une confiance dans un amour  paternel : « Père », « ABBA ». En fait c’est nous reconnaître fils et fille de cette grande lumière Deva. Nous ne sommes pas limités à notre matière et c’est très touchant. Il y a eu des centaines, des milliers de chrétiens qui ont dit cette prière dans le danger parfois dans le martyr.  On ne peut pas en rejeter la force, même si l’on ne croit en aucun dieu, toute la force psychique, force de rassemblement, l’énergie qu’il y a dans ces 2 mots « Notre Père » est encore là et quand on va à un enterrement religieux on entend le « Notre Père ». Cela appelle au sacré quelle que soit la forme qui nous parle au coeur.
Ensuite « Qui es aux cieux ». Les cieux, ciels c’est cet espace infini que nous connaissons par nostalgie, par certitude d’être relié. Le ciel est un espace dans lequel l’âme peut se déployer. Les prisonniers regardent le ciel  et comme dit le poète : « le ciel est par-dessus les toits, si bleu, si calme… » (Paul Verlaine, Sagesse)
Dans le christianisme, cet infini, cet essentiel on l’appelle aussi le Royaume des cieux. En fait c’est le Royaume de l’Essentiel. L’Immense…

« Que Ton nom soit sanctifié ».Dans une certaine tradition,  c’est un blasphème, on n’a pas le droit de dire le nom de Dieu. C’est cette idée du sacré, incommensurable, « au-delà de tout nom ». Dans la bible il a un nom que l’on ne peut pas prononcer, c’est  yod he vav he . On épelle les lettres de Yahvé. Annick de Souzenelle a donné de beaux enseignements là-dessus. Alors on l’appelle Le Seigneur  Adonaï, Elohim….en fait les dieux ont toujours une multitude de noms comme la Vérité a plusieurs facettes. En Inde, je vous ai enseigné tous les noms de Shiva…..on parle aussi des cent noms d’Allah. Cela rejoint la prière universelle « que nous te voyons dans tous les noms… » Quel que soit le nom que l’on donne à l’Essentiel, à l’infini…. Peu importe l’énergie, la lumière…. souvent le mot Dieu est un obstacle, car on ne retient que la déformation, les souffrances infligées, la caricature et l’emprise des puissants dans toutes les religions instituées. Cependant, sanctifier c’est changer de plan par rapport au profane. Et on peut  comprendre ce vœu comme une déclaration d’amour et de confiance. Jésus dit « ABBA », papa à son père, le nôtre ! Shiva veut dire le bon, le bienveillant.

 « Que ton règne vienne » c’est le dharma, le cosmos qui ordonne le chaos, le règne de l’Amour, la compassion la joie, de ce que l’on peut trouver de meilleur. C’est un vœu. Il y a plusieurs façons de le formuler mais c’est toujours cette ferveur qui s’adresse à cet infini que l’on ne connaît pas qui est immense et qui est bienveillant. Un père ça protège, en principe ;  et il est reconnu. Le père ce n’est pas comme la mère dont la filiation est évidente. On sait que c’est la mère et que l’enfant est son enfant. Le père c’est celui qui est reconnu, nommé tel par la mère. C’est éventuellement plus fort que le père biologique, c’est celui qui assume le rôle paternel. Celui que la mère présente comme un autre  faisant une trinité avec l’enfant ; disant « tu n’es pas seulement un bout de moi et nous ne restons pas en fusion, non, il y en a cet autre qui est le père. Je le désigne, je le reconnais, je l’honore en tant que père ». Il y a dans cette prière un vœu de délivrance : que règne l’Essentiel !

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » : C’est le consentement qui n’est pas la résignation. Ce consentement qui est au cœur de la prière même, quand on demande avec ardeur que soit épargnée la souffrance à tous ceux qu’on aime. Nous sommes impuissants. C’est accepter cette profonde impuissance. Nous avons un tout petit rayon d’action comme nous le reconnaissons quand nous faisons l’enchaînement de mudra « dédier». Résister à ce qui est, fait souffrir. Ce n’est pas parce que l’on résiste que ça va changer. Bien au contraire c’est parce que nous acceptons que nous pouvons évaluer la situation, et voir éventuellement ce qui peut être fait. Comprendre et vivre notre part dans le mystère de ce qui nous dépasse. Mais tant qu’on est dans le déni on ne va pas guérir la situation. Et on va enfouir des choses qui vont pourrir en nous, ça va nous empoisonner. C’est très important, « que Ta volonté soit faite» et non la mienne. Il y a une joie, même si parfois c’est un peu dur, de sentir que l’on est guidé par une volonté plus grande que la nôtre et que notre liberté c’est de dire OUI. Mais OUI à qui, à quoi ?  Qui sommes-nous ? Dire OUI à Notre Père dans cette prière, le Soi diront d’autres,  à Shiva, OUI à la Shakti, à la Vie, OUI vraiment.

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » : Il y a cette idée d’être sans souci. A chaque jour suffit sa peine. Cette idée de ne pas avoir trop peur, on sera « nourri » de toute façon, pas d’une nourriture terrestre. Le pain est un symbole puissant : faire pousser le blé, le recueillir,  le réduire en farine, le pétrir, le cuire. C’est la nourriture essentielle pour toute cette partie du monde qui ne se nourrit pas de riz. Mais le pain c’est aussi notre tâche, notre mandat céleste. Là où nous sommes aujourd’hui dans les circonstances qui sont les nôtres, avec les personnes qui nous entourent, c’est là et nulle part ailleurs qu’est notre tâche. Ce n’est pas la peine de regarder dans l’assiette de l’autre, en comparant.  C’est de ce pain-là dont nous avons besoin et c’est aussi demander, être humble. Ce n’est pas de la servilité. C’est accepter de recevoir.

« Pardonne-nous nos offenses » : Le pardon est au cœur de toutes les voies. On ne peut pas évacuer la question du pardon quand on est dans une voie.
«Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé ». Est-ce que nous avons pardonné ?  Sommes-nous capables de pardonner ?  L’offense est une blessure. Elle doit être reconnue. Ne pas dire « non c’est rien ». Oui c’est vrai, ça m’a fait mal mais je n’ai pas gardé le mal. Ne pas dire « c’est rien,  il y a pire ». L’offense doit être reconnue. Il y a un temps pour pardonner, mais pour pardonner il faut que ce soit reconnu et nous même nous pouvons demander pardon pour toutes nos offenses à l’Essentiel. Combien de fois sommes-nous parjures ? Comme il est dit dans la prière de St Michel.  Quand on dit : «  pardonne nous nos offenses »  on sort de la culpabilité. On ne dit pas « mea culpa, mea culpa » et «  je ne suis pas digne » Mais on dit « dis seulement une parole et je serais guéri ». Je me réfère au christianisme. La culpabilité peut être utile pour ne pas devenir fou quand on est face à la  souffrance incompréhensible, donner du sens pour ne pas basculer dans l’absurde. Quelque fois quand le Maître est malade on entend «  ce n’était pas un maître ». Mon maître  Gabriel est mort jeune (enfin, plus de 80 ans…). Dans une petite part de moi c’était comme une trahison je ne voulais pas qu’il meure si vite alors qu’on s’était trouvé.  Le pardon demande de traverser la tentation d’accuser. En fait c’est Dev, Deva qui pardonne en nous.

« Ne nous soumet pas à la tentation » ne nous laisse pas nous effondrer dans l’épreuve. Il y a des tentations, par exemple  nos pulsions. Le désir n’est pas la pulsion. La pulsion peut être un animal féroce par rapport à autrui, même par rapport à nous.  Ne nous laisse pas nous égarer, rappelle nous, donne nous des petits signes. Le problème c’est que quelquefois il y a des petits signes mais on ne les entend pas. On ne veut pas savoir, entendre, dire cet appel à être guidé. Le glissement dans le désespoir est une tentation, et l’ardeur de la prière peut nous protéger.

« Délivre-nous du mal ».   Le mal, le péché c’est « viser à côté de la cible».  En fait le mal est traduit d’un mot grec qui  vient de l’araméen qui veut dire le tordu, le pervers. C’est avec les plus belles choses qu’ont fait de la perversion. La preuve, c’est à partir du message du Christ qu’on a commis des horreurs. On le dit aussi dans la prière « Mère divine » : Délivre-nous. On demande la délivrance  on demande l’éveil, on demande à ne plus être attaché. Cette délivrance se fait au cœur de nous. Elle se fait chaque jour, ce n’est pas une fois pour toutes,  elle demande de la ferveur mais aussi de la pensée, de la discrimination, voir clair  c’est pourquoi dans le yoga, comme dans le christianisme, dans l’étude des pères…etc, il y a le travail de réflexion et l’étude. C’est vraiment important parce que  être délivré, éveillé,  n’est pas seulement une grâce que l’on attend. Il y a un petit effort à faire, un pas après l’autre. J’ai souvent utilisé cette métaphore de quelqu’un qui se met en chemin vers un sommet étincelant  qu’il ne pourra jamais rejoindre parce que c’est trop loin. Il a envie de se décourager ce pèlerin, il a envie de se coucher dans le fossé en disant « je n’y arriverais pas ». Il ne va jamais y arriver peut-être, mais s’il est en marche, en chemin, il  y a un ange, un aigle ou un hélicoptère qui  vient l’emporter sur ses ailes. « Aide-toi et le ciel t’aidera » C’est à nous de faire une partie dans l’effort. La montée, l’élan, l’exercice,  la persévérance, la décision actée chaque jour pour être au rendez-vous.  On ne peut presque rien, mais c’est à chacun de faire sa part. Et on sera délivré si on se met en mouvement. C’est comme ça que l’on apprend à marcher. Si un père se met à 2 mètres de sa fille, son fils et lui tend les bras « viens petite, marche !»  L’enfant vient parce qu’il est attiré par cet attente, cet  accueil. Il tombe, trébuche, mais il découvre.  Et peu à peu c’est comme ça qu’il apprend à marcher, aimanté par quelqu’un qui l’accueille et qui l’aime.

Enfin, je crois que c’était resté chez les protestants, changé un peu chez les orthodoxes, oublié chez les catholiques, repris depuis le concile je crois… « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne la puissance et la gloire » c’est un petit peu comme quand on dit « Sat Cit Ananda » c’est dire l’immensité, SAT : la vérité, CIT : la conscience, ANANDA : la joie infinie. Quand on dit en conscience le « Notre Père » qui est un refrain qui a bercé nos ancêtres au cours des siècles, on rejoint cette ferveur, que l’on ne partage peut être plus, mais  il y a un respect, une profondeur et une beauté qui  n’est pas antinomique de la voie du cœur, qui est même au cœur. SI je peux vous en parler comme ça, c’est parce que j’ai médité dessus et que c’est très présent.

Dans la prière par rapport à la méditation, il y a une orientation. Mais c‘est très proche, parce que c’est une relation à l’Essentiel. Dans la méditation nous sommes le « JE SUIS », dans la prière il y a un « TU ES ». Donc il y a un TOI, une lumière, comme dans un tunnel. Peut-on dire la prière pour l’autre, vers l’autre, se relier en pensée ? Et pour soi, peut-on demander à être éclairé, consolé, guidé, à être aimé ?… Et sommes-nous  prêts à être aimé ? Comme disait Mandela « Le plus dur c’est d’accepter notre propre lumière… ». Dans la prière si nous sommes dans une Présence orientée, adorante, fervente, on ne sait pas  quand, où et qui  va en recevoir des bienfaits,  au-delà de l’espace, quelque part sur terre. II  y a peut-être quelqu’un qui va se sentir effleuré d’amour de protection sans savoir pourquoi. Comme si on avait « radioactivé » quelque chose. Et même, ça peut transcender le temps et donc guérir des blessures anciennes. Puisque le temps et l’espace n’existent pas ce sont des illusions. Nous sommes bien au-delà de notre vie incarnée, naissance, mort….Je crois vraiment que nous pouvons dédier, offrir. On parle de la « communion des saints », pour exprimer ce mystère de l’interaction. Ceux qui sont en action s’appuient sur ceux qui sont en oraison et inversement, les contemplatifs savent qu’ils soutiennent les actions.

 Ce n’est pas très différent de la sangha en sanscrit : une famille inscrite dans une ferveur commune, une origine centrale, un Cœur.