Programme Indicatif

Enseignement 10 mars 2021
La prière

 

Le salut tibétain

 

La séance commence par le salut tibétain, c’est une prière, une louange. Il rejoint une de nos lignées car nous sommes proches des tibétains.

Il y a cette disponibilité, cet ancrage et cette grande ouverture vers le haut, c’est un mouvement assez ancestral. La prière est souvent un mouvement vers le haut et une descente. Dans la descente, il y a une demande. La prière demande est souvent « occupe-toi de moi ». Demander une assurance sur la vie. Mais en fait quand on est dans cette prière on est là vers la Lumière qui nous éclaire. Dans cet appel vers la lumière, on demande à avoir un esprit illuminé. On demande à ce que la lumière pénètre en nous. Et la lumière c’est une grâce qui nous est donnée gratuitement. C’est un mystère que cela nous soit offert, sans mérite ni condition, et pour d’autres c’est plus compliqué, il y a des barrages qui échappent à notre compréhension.

Puis on oriente vers la sagesse et on demande d’avoir une vision sereine, un regard SAT et non pas ASATO. Cesser de croire que l’on est le centre du monde, avoir un regard qui pardonne et accueille. Nous avons tous une petite part de nous qui ne veut pas pardonner et la troisième demande est au niveau du cœur une demande de l’amour infini et c’est important on demande d’avoir un cœur de compassion.

C’est que nous soyons là, ensemble, réunis, qui fait la beauté et la richesse de notre rencontre. Nous sommes reliés ensemble et ça crée une énergie particulière, démultipliée. Les personnes ne font pas addition mais multiplication. Et donc la prière non seulement c’est une grâce et elle est orientée, mais elle a aussi une raison, un pourquoi, un comment c’est le partage, la compassion être là pour l’autre, être là avec l’autre, en espérant la présence du TOUT AUTRE, de ELLUI, de l’infini. En fait c’est un rendez-vous. Un rendez-vous d’amour. C’est très proche de la méditation, je ne fais pas une différence nette entre les 2. Certains pratiquants pensent que la méditation prépare à la prière. Je pensais que c’était plutôt le contraire. C’est à dire on fait des rituels on chante des mantras et on entre en méditation, pour d’autres dans la méditation tout s’efface, le JE, le TU et c’est juste être là, et pour plusieurs c’est une entrée vers une relation joyeuse et aimante, Samadhi disent les indiens.

Mère Divine

Nous venons ensuite vers la prière Mère divine. Certains ont du mal avec le mot « mère », mais vous pouvez mettre un autre mot,. Ce qui est important avec le mot « Mère », comme dans le « Notre Père ». C’est établir une familiarité tendre, aimante, nourrissante, avec ce qui pourrait être si éloigné de nous… Et tout d’un coup on nomme cette Présence, Père, Mère, l’amant (prière à Krishna) ou l’amante… ça montre bien que ce qui anime le monde (Anima Mundi) c’est une force infinie qui nous inonde d’Amour. On l’appelle : Mère, Père, ABBA disait Jésus et ça choquait à l’époque car Dieu était ressenti comme un juge jaloux et inaccessible. Dans l’histoire des religions, on ne pouvait pas parler à Dieu. C’était une instance insaisissable et terrible, puis au cours des siècles l’image s’est modifiée, elle s’est rapprochée de nous. La Présence, Dieu ne se laisse pas saisir par des concepts, nous ne parlons que des images que nous nous en faisons. En fait nos représentations se modifient au fur et à mesure que la relation vécue s’établit et nous éclaire, par révélation intime, au-delà de nos ego. Nous grandissons en ci-naissance !

Je vous suggère de vivre ensemble cette prière « Mère divine »

Cette prière nous engage: si on demande, il se peut que l’on soit entendu. Oui, « prend toute la place dans ma vie » ça va très très loin on demande à être relié intimement tout le temps, « prends toute la place dans mon cœur » c’est le Centre de notre vie. On organise notre vie autour de ce Cœur de notre cœur et « dans nos actes » c’est le karma yoga (Bhagavad gita) aimer en acte et pas seulement en parole. Je dédie chacun de mes actes. Dans dialogue avec l’Ange il est dit dans chaque acte oriente-toi, comme Arjuna qui offre à Krishna. C’est toujours la même chose. « Et mes pensées… » Quelquefois on oppose prière et pensée, prière et réflexion, acte de Dhi. La buddhi (à l’origine du mot bouddha) c’est le fait de se laisser éclairer dans son intellect (jnana yoga, c’est le yoga de la connaissance, étude, réflexion) c’est un des aspects que l’on a tendance à oublier. On confond le radotage du mental avec la clarté de la pensée. Et la nécessité de travailler intellectuellement, d’étudier.

Cette prière change la vie. Et nous demandons à être délivrés de tout ce qui nous encombre, de tout ce qui entrave notre liberté, de tout ce qui est pervers. Dans le « Notre Père » c’est « délivre nous du mal » et dans le mot grec, c’est le pervers, le « tordu » en araméen. On a vraiment besoin d’aide pour ne pas céder à ce qui nous tord et fait tort et qui nous enferme, nous met en enfer dans notre petit moi. C’est important de demander d’être délivré, par qui, par quoi ? C’est peut-être la Vie, notre gourou intérieur…on ne sait pas mais on s’adresse à quelqu’un, on a une orientation.

Cela m’amène à vous parler d’Ajit. C’est un ami très cher. J’en parlerai sans doute à l’intérieur d’un stage, Si j’ai une demande je ferais un enseignement sur les 2 prières chrétiennes (Le « Notre Père » et « Je vous salue Marie ») en lien avec le yoga. Et je peux également consacrer un temps pour évoquer Ajit, et toute cette lignée : Ajit était presque l’enfant adoptif de Gabriel qui était très ami avec son père. J’ai envoyé le lien avec le livre de Gabriel « Qui est ton maître » (suivre le lien) il y a toute l’histoire du père d’Ajit. Il est venu en France grâce à Gabriel et est venu très tôt à Roscoff où j’ai eu la chance de le rencontrer.
Ce qui le caractérise: C’est un vrai disciple toujours dans l’action. Sa prière est l’action. Il se donnait complètement avec ce qu’il faisait au service de la Voie. Déterminé, avec discernement et ferveur, Il était complètement UN. Comme dans la prière à Michel ange chevalier : « prêt à servir, fier de louer / bon aux petits, à tous courtois »

La prière est un sujet tellement vaste que l’on peut dire tout et son contraire. Je reviens à la prière universelle. En fait la datation de l’être considéré comme humain se fait lorsqu’ils ont des rites funéraires. Les rites sont une forme de prière. On ne jette pas la dépouille de celui qui a quitté son corps. Souvent c’est l’épreuve qui nous met dans la prière. si on connaît quelqu’un qui est très malade on dit « Mon Dieu, pourvu qu’il s’en sorte ». C’est spontané. Cela ne veut pas dire que l’on croit en Dieu. On ne sait pas quoi, qui, mais on s’adresse, on se relie à une sorte d’instance pour se retrouver et traverser l’épreuve. Et la prière spontanée peut aussi jaillir dans la joie. La joie nous met dans la gratitude, l’émerveillement. C’est OH ! Ô Ame du monde…

La prière peut être aussi une consolation. Mais aussi une activité extérieure ensemble (mantras, cantiques, danse, lire des textes). Des textes qui deviennent sacrés car dits avec ferveur par tant de personnes. On se tourne vers et en fait cela rejoint le yoga : yama et niyama, pranayama (diriger l’énergie) et asana (se tenir, prier avec son corps). Dans la tradition islamique par ex, la prière est très liée au mouvement du corps : se tenir debout, se prosterner. Puis Pratyahara se retirer de tout ce qui peut nous distraire, c’est comme la méditation un mouvement centripète (on se fixe sur une vision, une vibration, au lieu de dire on ne pense à rien, on se concentre sur une chose). Gabriel disait « On prend une fleur, et on la regarde, on voit sa tige, on se laisse complètement absorber, on tourne autour et on devient cette fleur. Devenir un lotus c’est faire son parcours de floraison. C’est extraordinaire que dans un bulbe qui ressemble à un oignon, il y a déjà les formes, les couleurs contenues et son parfum. Et qu’est ce qui fait grandir tout ça ? C‘est la lumière »

C’est dharana qu’on a traduit par concentration ; et à un moment on parvient à un point ultime EKam, ça se renverse et ça devient centrifuge. C’est à dire ouvert, ça devient contemplatif. On n’est plus resserré sur un point, c’est dhyâna, comme une sorte d’extase, on est là et il n’y a plus rien. On ne sent plus son corps. On est juste là, dans les bras du vent, de l’Amour. Notre respiration se confond avec l’air qui est autour. Dans cette Présence c’est une sorte d’adoration pour prendre les mots de la prière , dhyâna nous amène à Samadhi, c’est ne plus avoir de limites avec l’infini dans notre finitude et en même temps vibrer d’une telle joie que l’on devient créateur et repartir dans les yamas, niyama, c’est-à-dire que ça veut s’investir dans la vie comme dans un mouvement d’évolution perpétuel. Il faut dire que Sri Aurobindo, Maître d’Ajit, qui est un peu mon maître aussi, était très influencé par Bergson et Teilhard de Chardin sur les théories de l’évolution créatrice. J’essaie de faire un schéma par rapport au yoga et en même temps je me réfère à Jean Yves LELOUP qui disait que prier c’est se mettre nu au soleil et se laisser ensoleillé, prendre un bain de Présence. C’est far niente.

Je souligne 4 aspects de la prière: La grâce, la relation, le pourquoi et le comment.

La grâce c’est le Ô : Ô TOI l’Au-delà de tout, Ô Ame du monde …c’est le OH de l’émerveillement. La prière c’est tellement gratuit, gracieux, c’est une grâce qui descend en nous et qui nous permet de voir vraiment la petite bête sur le brin d’herbe ou d’entendre l’oiseau, c’est être vraiment là alors qu’on passe souvent notre vie à courir en étant à moitié là. C’est un Ô d’émerveillement, de célébration, de remerciement, c’est une gratitude, c’est gratuit ce n’est pas pour gagner des points pour aller au paradis. Un émerveillement simple, être charmé par la beauté du monde, les tantriques parlent de l’émerveillement d ‘être, on s’étonne et on s’émerveille d’être là, reconnaissance gracieuse. Voilà on est là. Dans la bible, vivre et prier, c’est frémir d’Adonaï. On retrouve cette ferveur éblouie dans le cantique des cantiques. Ce sont les religions qui ont décrit l’émerveillement mais ce peut être aussi un grand savant ou un élève qui tout à coup a compris une formule.. Spinoza parle de la joie qui vient d’un accroissement de conscience. On voit les petits le vivent très fort quand ils ont réussi quelque chose. Ah ! lls ont une joie infinie. C’est voir l’énergie qui est à l’œuvre, une joie qui naît sans pourquoi. Une joie qui surgit et qui sert toutes les âmes, passées, présentes, à venir, c’est un cadeau. Donc le côté louange, gracieux. Quand dans la prière universelle on dit « donne-nous la foi » à qui on s’adresse ? Je ne dis pas la croyance, la foi en la vie. C’est vrai qu’une des plus grandes prières qu’on puisse faire c’est demander que chaque être ait au moins une fois dans sa vie, conscience qu’il y a un infini au cœur de lui, qu’il y a une Présence qui l’aime et qui l’attend et qu’il ne passe pas à côté. .Ça c’est vraiment prier pour tous les êtres. Mais on ne peut pas prendre conscience pour l’autre. On peut au moins demander que la proposition, la grâce lui soit faite.

Après le Ô, il y a Anima Mundi, âme du monde, Ô TOI… Il y a un TU dans la prière, elle est orientée, elle s’adresse à plus grand que soi, ça nous décentre de l’enfermement dans notre petit moi et c’est fondamental, autrement on tourne en rond dans son monde et on se cramponne « moi tout seul » mais c’est impossible on est tous reliés, la planète, l’énergie, les vivants les morts. Le « moi tout seul » est complètement illusoire. Donc c’est un dialogue d’amour offrir et recevoir, offrir et recevoir l’amour. C’est le plus dur, recevoir d’être aimé. Dans toutes les religions c’est dévoyé. C’est pris en otage par les puissants, les riches, les dominants. Cela devient des institutions, cela nous met dans la culpabilité. Il n’y a plus d’amour mais de la crainte. Caricature de la prière, lien tissé. Dire GAMAYA, guide moi, c’est se sentir accompagné, c’est aller au-delà de soi dans une invocation de CE qui nous dépasse comme quand on fait DEDIER, c’est à CELA qu’on s’adresse. On s’incline et en même temps ça nous redresse. C’est une rencontre qui nous donne le respect et l’amour de nous-même parce que nous somme nature de bouddha, fille et fils de Dieu. On devient ce que l’on est quand on ne reste pas enfermé en soi-même. C’est donc un dialogue perpétuel pour ne pas oublier l’essentiel, chacun à sa manière. Dans la Voie du cœur, je transmets à la manière de Mataji. Donc avec des mantras qui deviennent de plus en plus radioactifs parce que plus on les dit, plus ils s’imprègnent dans les cellules. Je pense à ma mère qui aimait beaucoup les fleurs et quand elle faisait des bouquets elle faisait le salut tibétain. Le rituel vivant est un acte d’amour.

Le pourquoi et le comment. Pourquoi pratiquer la prière, la méditation ? C’est pour sortir de notre ego, de notre enfermement, sortir de nos ornières dans lesquelles on retombe tout le temps. C’est la fameuse compulsion de répétition dont parle Freud. Et à chaque fois on y revient et on creuse. Alors il faut tracer une dérivation, tracer un sillon, un truc droit qu’on décide, c’est vouloir ne plus se perdre. On trace et ça nous protège, en particulier dans la mémoire revivifiée.

La prière hébraïque commence par « Sh’ma , Israel Adonai eloheinu, souviens-toi Israël ». En sanscrit c’est MNA, ce qui a donné amnésique, et c’est la sushumna. C’est se souvenir des belles choses. Su c’est comme sukha. Vous savez quand on dit qu’une posture doit être sukha, c’est-à-dire agréable, heureuse. C’est se souvenir avec un grand bonheur de notre nature profonde. On est ce fil tendu (stirra) entre ciel et terre. Ce fil comme une tige, ce fil qui est au centre d’un tronc. La montée de la Kundalini c’est comme une sève qui monte et qui nous illumine, comme j’ai essayé de vous faire vivre la tige de lotus. Donc c’est se souvenir, MNA c’est faire une trace et lutter contre l’oubli de l’essentiel. C’est parfois important d’apprendre par cœur alors que ça va au-delà des mots mais on crée une alliance, on crée des rites. Chacun ses rites. Patiemment, avec persévérance, on crée ce qui va nous faire souvenir du bonheur de l’essentiel plutôt que d’attendre d’être malheureux et de se dire « bon je vais revenir à l’essentiel, parce que je viens d’apprendre que je suis malade et que je n’en ai peut-être que pour quelques mois… ». C’est souvent comme cela qu’on vit.

Dans le chagrin de ne pas pouvoir éviter la maladie d’une personne chère, on peut essayer de l’imaginer heureuse et cette prière est d’entourer la personne de bonheur. L’importance d’avoir quelqu’un à côté même sans rien faire. Être là pour l’autre, vers l’autre même sans rien faire, démuni, mais c’est aussi d’être au RDV avec le Tout Autre. Mettre le corps dans la prière, bouger, on connaît les ablutions, on s’étire.. On a plein de petits rites du matin et le soir on est dans l’intimité, dans le secret, tout ça est lié au corps, on peut danser chanter…c’est une forme de prière. En fait c’est cultiver les rites comme des petites aides précieuses demander de l’aide aux anges, aux farfadets, aux aïeux… c’est veiller aussi .en même temps c’est travailler engagé dans une métanoïa et en même temps s’abandonner à ce qui vient en nous, expirer consciemment en voulant faire la place, se dépouiller en fait.

On croit qu’on a expiré et en fait on en a gardé. Expirer, s’anéantir disent les soufis et s’ouvrir à l’inspiration qui vient. C’est extraordinaire cet air qui rentre en nous, cet air dans lequel nous baignons, sans que je fasse aucun effort, cet air qui nous traverse, qui nous habite, il chante en moi si je chante et ça se fait. Mais c’est aussi ne rien faire, c’est être quiétiste. Ce mouvement des « quiétistes », ceux qui n’étaient pas inquiets. C’étaient des mystiques de l’époque de Fénelon et ça irritait énormément l’Eglise. Etre quiet c’est être tranquille. Ils avaient un mantra qui était Dieu doux, Dieu doux, Dieu doux … Ça peut se faire sans effort c’est une grâce.. Et s’émerveiller de tout ça aide l’autre qui souffre à l’autre bout de la planète. Car si l’on fait fleurir le lotus ou si on répond à l’appel de la lumière en nous, si on accepte de donner nos couleurs, notre parfum, si on accepte d’être irrigués, on va pouvoir transformer l’atmosphère. On est responsables ensemble de fleurir, d’offrir.