Le pardon, le silence, l’inspiration

Enseignement oral  du  24 / 02/ 2021

Approches de la méditation. Le pardon, le silence, l’inspiration.

A l’entrée de la méditation ou de la prière ou d’une pratique on peut parfois voir qu’il y a une zone en nous qui est fermée.
Comme dans la relaxation du corps quand on entend « lâchez-vous dans les mâchoires » on se rend compte qu’on était en train de serrer les dents alors qu’on n’en avait pas conscience.
Quelquefois quand on s’approche d’une grande lumière, d’un grand maître, d’une musique, dans la beauté …on peut prendre conscience qu’il y a une part de nous qui est resserrée, qui refuse qui essaie de résister à l’appel intérieur.
Avant d’aller au temple , dit la tradition, vérifie que tu es réconcilié avec ton frère.
Au moment de s’orienter en prière ou méditation, on peut se clarifier avec cet essentiel appel au pardon.
Et ce « frère » peut aussi être une part de nous qui se juge et ne pardonne pas …parce que l’on se sent facilement coupable, on s’ auto-déprécie, on se juge, on se trouve indigne, on est dans le déni de soi, le peu d’amour, le peu de respect de soi.

On peut en prendre conscience et orienter notre cœur vers une demande pour être aidé et demander car ce n’est pas nous qui pardonnons.
Il faut qu’il y ait une dimension plus grande que nous qui dépasse nos blessures et nos ressentiments.
Le pardon est au-delà du psychisme, c’est plutôt une grâce, même pour se pardonner.
Cela fait entrer une mise en ordre de notre vie, un allègement dans notre psychisme.
J’ai connu des personnes très douées au niveau du corps mais pas franchement au clair par rapport aux autres ou à eux-mêmes qui ne voyaient pas la nécessité de se mettre au travail sur ce plan là, comme si c’était de l’ordre de la morale ou d’un catéchisme…
La paix du cœur vient du pardon, du don sans réserve.

Silence des bavardages intérieurs en méditation, oui.
Mais il y a parfois des grâces, des moments d’intuition .
Dans l’absence totale de pensée on est là, on est rien dans les bras du rien et c’est très bien.
Et puis quelque fois il peut y avoir une inspiration qui vient comme un ange, quelque chose qui s’impose à nous mais pas pour nous faire penser c’est plutôt la buddhi qui s’éclaire. Le Bouddha a ainsi trouvé la voie du juste milieu, et il l’a transmise. Il n’a pas construit un système au moment de la révélation, mais il a reçu de façon fulgurante, en germe, une intuition, qu’il devait mettre en œuvre dans un enseignement.
Il a retrouvé une notion fondamentale de l’hindouisme ( Se libérer de dukkha, la souffrance, le contraire de sukha) Il s’est ensuite mis au service de cette illumination qui a éclairé des milliers de personnes au cours des siècles.
Il se peut que certains d’entre vous aient déjà vécu ça. C’est-à-dire, en méditation, tout d’un coup, quelque chose s’éclaire, c’est viddia, on voit, tout d’un coup c’est une évidence. Et le travail de création s’élabore ensuite au retour des sommets.

Asato Ma Sat Gamaya,
Tamaso Ma Jyotir Gamaya,
Mrityor Ma Amritam Gamaya
Ce mantra est très important.
Gamaya : c’est important que nous demandions à être guidés. Déjà cesser de croire que nous sommes séparés et que nous ne pouvons nous incliner devant personne.
La traduction qui est sur le site est : « conduis-moi ». Mais en fait, c’est vraiment se laisser conduire sans vraiment décider. On demande à passer le gué. « Fais-moi passer, fais nous passer. » En sanskrit Le MA peut être aussi bien JE que Nous. En espagnol nosotros … C’est nous : je avec les autres. Nous ne nous sauverons pas tout seul. Ce n’est pas possible. C’est le vœu des bodhisattvas, Jeanne d’Arc…Nous sommes les gouttes d’eau dans l’océan, nous sommes intimement reliés. Nous voyons bien dans les problèmes actuels de l’équilibre de la planète, c’est ensemble qu’on va s’en sortir ou devenir des naufragés…Il n’y en a pas un qui va essayer de s’en sortir tout seul. C’est donc vraiment une demande pour nous, nous : moi et mes nombreux moi, ensuite nous, moi et les autres qui sont avec moi, que j’aime et qui sont en chemin, mais aussi moi et tous les autres , les ancêtres… finalement tous les êtres.
GAMAYA c’est vraiment un vœu d’être guidés. Quand on fait ce vœu, il y a quelque chose de terrible parce que ça marche… et nous pouvons être guidés par des évènements, des rencontres, par des situations qu’on n’aurait pas voulu demander. Mais c’est ça qui arrive et qui nous enseigne. C’est cela qui est notre chemin si nous pouvons le traverser.

ASATO // SAT : c’est sortir de ASATO, l’illusion, nous croyons que ce que nous pensons, voyons, faisons,…est  la réalité. Nous sommes soumis aux vasanas, toutes les empreintes, inconscientes, traces de ce que nous avons vécu et nous nous croyons le centre du monde (comme l’enfant). En fait, nous vivons dans un monde d’illusion. Et cette demande est d’aller vers Sat qui est à la fois la vérité et la réalité. SAT c’est le premier mot employé dans SAT CHIT ANANDA, pour décrire, pour adorer, appeler, l’Etre Infini qui est au-delà de tout. Cet ETRE est à la fois la vérité et la réalité, Chit, conscience et connaissance, et Ananda une joie, une félicité infinie.
Donc Sat est le contraire d’ASATO, cela EST, révélé, et nous pouvons en être dérangés. Nous demandons, recevons des prises de conscience puis nous avons à nous ajuster nos vies appelées à se transformer. Nous le faisons, plus ou moins, mais nous nous dépêchons souvent d’oublier ; pourquoi ? Parce que ça nous dérange, il faut que nous changions des choses dans nos vies, il faut que nous changions de regard. Et pas seulement de regard ! Parfois on veut bien être guidé « jusque-là », mais pas trop ! Et il faut laisser un peu de temps pour le déni, le temps que ça mûrisse. Nous avons du mal à voir pour nous…Ah ! pour nos amis, nous voyons beaucoup mieux dans quels problèmes ils se sont mis. On a envie de leur dire « mais tu ne vois pas dans quelle situation tu es ? » car, nous, nous voyons très bien. Mais l’imposer n’est pas efficace, parce qu’il faut laisser du temps au temps, trouver la patience. En même temps à l’inverse, nous ne devons pas laisser l’autre dans son déni, sans lui tendre des perches pour qu’il prenne conscience. Nous connaissons tous ces personnes qui nous parlent pendant des heures. De plus, en étant dans la voie du cœur on les attire, comme une petite lampe. Ils viennent un peu comme des papillons, sans trop savoir parfois pourquoi, ils viennent et rabâchent, c’est l’engluement dans TAMAS, ils piétinent dans leur marécage, le sol devient mou et ils s’enfoncent. C’est à nous alors de faire le pont, entre les 2 rives. La rive d’ASATO et la rive de SAT, la rive de TAMAS et la rive de JYOTIR. Devenir passeur, passeuse, passage est aussi un art d’équilibrer la balance : prendre le temps d’écouter et saisir le moment de sortir de l’enfer, enfermement dans la plainte ou l’accusation.

Je reviens à TAMAS. C’est tout ce qui alourdit le côté Yin : Le doute, la peur et l’inertie (prière universelle).TAMAS c’est notre souille que l’on connaît bien, une sorte de dégoût un entretien du pessimisme, un rabâchage, on est dans une perte d’énergie et dans quelque chose de sombre où l’on n’a pas envie que la lumière vienne. Parce que JYOTIR c’est l’élan et la lumière. C’est tous les jours, tous les matins, animé par jyotir, on se lève, on s’étire et on y va. C’est l’élan, c’est quelque chose qui jaillit de nous. C’est le printemps, les fleurs ont envie de sortir. JYOTIR c’est sortir avec élan et ce mouvement d’aller vers, une orientation, mais aller vers quoi, vers qui ? Aller vers les autres qui ne sont pas forcément comme on voudrait qu’ils soient, aller vers l’autre, le différent. Et vers le Grand Autre !…Sortir de notre prison, de notre enfer. Par certains côtés, Jyotir serait un paradis de lumière, d’élan de vie par rapport à TAMAS qui est un enfermement dans le désespoir, la dépression. Ce sont des opposés ; cependant il faut parfois se laisser du temps pour se blottir sous sa couette, se reposer. Dans une forme de méditation, au réveil, quand on est encore dans un demi sommeil, on peut se lover (love en anglais) et être encore à moitié le Grand JE SUIS, au-delà de toute image et le je suis « machin.. J’ai une existence dans laquelle je joue tel rôle, je suis dans telle situation…etc et où je retrouve mon petit moi. Mais il y a un espace entre les deux où l’on retrouve une sorte de prière / méditation . Si on a pris l’habitude ça revient automatiquement et c’est très agréable, c’est une détente. Donc quelque fois il ne faut pas trop brusquer quelqu’un qui est dans TAMAS parce que c’est aussi la vie. Mais proposer autre chose. Quand quelqu’un piétine en rabâchant son « truc », trouver le curseur, un équilibre, une balancelle entre une écoute patiente face à quelqu’un qui répète et ne dit pas ce qui devrait se dire et qui ne vient pas et qui se cache une vérité. Un peu comme dans la série « en thérapie » où l’on voit des patients qui contournent la prise de conscience et qui peuvent devenir agressifs quand ils s’en approchent. Écouter et savoir faire « hop » et dire « arrête de piétiner, je ne suis pas ta poubelle et tu n’es pas non plus une poubelle. Tu dois te respecter, faire un pas de côté, voir autrement, demander l’élan (JYOTIR) ».

Puis je viens à MRITYOR (la mort) opposé à AMRITAT (c’est ce qui n’est pas la mort.). A, privatif
Selon David DUBOIS la racine MR désigne aussi Mara, le démon tentateur du Bouddha, c’est aussi sur Mara que danse Shiva, comme le démon sur lequel danse St Michel… On prend appui sur l’ignorance. C’est ce qui est mauvais pour nous. Mais si on en a conscience, nous ne sommes plus sidérés, c’est meme un appui , un socle comme les images le représentent.
La mort, c’est la vie qui pourrit. Je ne parle pas de la mort physique, bien que nous devions vivre ce cycle : que se décompose ce qui a été composé autour d’une aimantation de quelques molécules qui ont formé un corps dans l’espace d’une vie. Mais au-delà de ça, Mrityor, c’est vivre en mort vivant. Certains ont tellement peur de mourir qu’ils ne vivent pas. Ils s’enferment dans un cercueil psychique. Et c’est surtout sans prendre de risque, or le plus grand risque c’est de reconnaître sa lumière et d’aimer. Si nous aimons, nous sommes plus forts que la mort. Mais si nous aimons nous devenons fragiles parce que nous aimons toujours au risque de perdre. A un moment où à un autre la relation va se perdre, soit par la mort physique, soit par l’abandon, la trahison, l’indifférence, l’ennui…mais il n’y a aucune assurance que ça va durer. Alors certains vont s’anesthésier, préférant ne pas vivre, mourir d’avance.

AMRITA, c’est la joie d’être la vie, La vie est là, nous sommes la vie. Nous expérimentons au plus profond de nous la vie qui est au-delà de la naissance et de la mort, au-delà de toute limite de toute finitude et qui se révèle dans l’incarnation par des visages, des histoires d’amour, par la reconnaissance, bien présent dans le tantrisme cachemirien. Tout le christianisme est basé là-dessus Dieu se révèle à travers l’incarnation. C’est un mystère très profond et cet entre 2 que l’on appelle Amour entre un Je et un Tu. Ce risque que l’on prend, d’aimer, c’est la vie. C’est sur le plan psychique, mais au plan mystique aussi : on demande GAMAYA, alors le Maître de lumière, Vérité et de non mort arrive et nous conduit. Tout change dans notre vie, et ça nous dérange et on peut avoir des passages inconfortables, des crises intérieurs, des déserts… « Je ne voulais pas ça, je voulais simplement être heureux ». Mais le bonheur et la joie infinie ce n’est pas la même chose. Il y a des douleurs qui nous traversent et qui nous éveillent, qui nous apprennent à aimer. En fait, pour passer d’un état à un autre nous devenons des ponts.

Après avoir rencontré mon maître, Gabriel, ici à Perharidy, j’ai commencé une correspondance avec lui et j’allais le voir à Paris. On correspondait et je lui écrivais un rêve où je traversais un pont et en même temps j’étais le pont, donc j’étais accrochée sur les deux rives. Il me donne alors un enseignement, il me dit «  tu es en train de devenir pontifex, tu dois devenir pontifex » : celle, celui qui fait le pont comme le pontife. Franchement cela ne m’attirait pas. Souverain pontife, le pape, l’image que j’en avais…ce n’était pas ça. Mais il m’a guidée et j’ai appris que c’est faire toute sorte de ponts, ça peut être une passerelle. Et pour que le pont soit fiable, il faut des piliers solides. Face au courant le pilier est pointu pour fendre l’eau et derrière c’est rond. Il est important que nous ayons un côté rond et un côté pointu. Et c’est important aussi que le pont soit stable, équilibré et ouvert dans les 2 sens.

Parce que dans cette voie qui allie la finitude et l’infinitude nous ne devons pas nous installer dans une seule rive, nous installer dans une pseudo sagesse, indifférent aux autres parce que nous sommes passés au-delà… c’est une caricature. On peut entendre parfois «  moi je ne veux pas m’apitoyer, de toute façon tout passe, la mort n’est qu’un passage… ». Actuellement on est dans un repli, donc « moi je m’occupe de mon petit moi, je fais mon yoga »….. Mais c’est quoi s’occuper de soi si les autres n’existent plus ? C’est MRITYOR, c’est pourri, il n’y a plus rien. En fait je fais le pont, le lien entre les 2 rives, je peux passer du plus quotidien à l’extase, ou parfois au chagrin, et revenir dans le concret. Il ne s’agit pas de compatir dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire de souffrir avec l’autre, il ne s’agit pas non plus de ne jamais le contrarier parce qu’on veut être aimé.

On voudrait être aimé par tout le monde. Je m’en suis rendu compte quand j’étais jeune professeur. Les élèves m’appréciaient beaucoup, et un jour j’ai eu un élève qui ne m’aimait pas. Je ne comprenais pas. Comment est-ce possible? Enfin, je n’avais pas imaginé, je pensais que c’était important d’être aimé par tout le monde. Mais non, car parfois nous sommes obligés de poser des limites. Et donc nous allons contrarier l’autre et c’est là qu’il faut avoir des piliers solides, ce côté rond et pointu. Je ne vais pas me laisser emporter par le courant de l’autre, il faut apprendre petit à petit. Parfois il faut élever la voix et alors l’autre ne comprend pas : « Tu m’agresses », mais il est important de jouer sur tous les tons. De se souvenir que nous essayons d’harmoniser tous les plans, sans les confondre, agissant avec compassion et discernement, au service et en créativité là où la vie nous a mis, avec les outils, les dons qui nous sont confiés.