A la demande de quelques-uns de ces 3 stages sur le thème de la gratitude, à St-Pol, Paris et Lyon, j’ai retrouvé en partie les commentaires qui ont été faits à partir de l’annonce que je recopie. On pourrait bien encore développer, sans fin et creuser.
« La gratitude comme mode de vie. C’est un choix de regard et une source de joie, décision d’un engagement au quotidien, là où l’on est, dans les bonheurs, heurts et malheurs de notre incarnation.
Car cultiver l’émerveillement, ce n’est pas se bercer d’illusion dans un monde de « bisounours ». Il ne s’agit pas de nier les failles de chagrin, ni oublier la résistance à l’immonde ! Lâcher prise des refus et récriminations, la gratitude appelle au pardon, donc à la clarification et dépôt des plaintes, renoncer à entretenir ce qui fait en nous obstacle au flux de la Vie. Nous allons partager avec profondeur et légèreté ce merci qui est mantra de chaque jour.
La gratitude est essentielle pour respirer la joie.
C’est un souffle qui nous vient comme une grâce, au-delà de notre petit moi qui enfin se lâche à l’expir, et se laisse emplir d’une joie dont la source est au Cœur : la simple, la jubilatoire évidence que tout est relié, reliance. Le dépôt de vouloir que les choses et les êtres soient autrement, s’incliner devant ce qui est, consentir et au travers des passages parfois difficiles, recevoir cette inspiration neuve comme un signe d’amour. Sat Chit Ananda.
C’est un choix de regard
D’où regardons-nous ? Quel plan, quels préconçus nous offrent à voir Ce qui est et qui dépasse notre vision parcellaire ? Notre regard doit partir de l’Etre en nous, au-delà des lunettes de notre petit moi . Du point Source, Bindu, c’est à dire du lieu intime où nous pouvons être rassemblés au Centre, reliés au Cœur. C’est donc un regard qui ne juge pas, même si la discrimination (viveka) est requise, un regard de tendresse et patience…
Nous devenons aussi ce que nous choisissons de regarder. Si nous nous attardons au marécage, nous allons nous y enfoncer. Il y a tant de fascination à entretenir parfois la laideur et la cruauté pour justifier notre dégoût de vivre et notre refus de s’impliquer « tout est pourri, fichu, mauvais ». Recevoir la vision juste en Inde c’est le Darshan : un regard, une rencontre et tout se transforme car nous sommes illuminés d’Amour. C’est ce que raconte Gabriel Monod Herzen quand il a été en présence de Sri Aurobindo et la Mère, c’est le mot qu’on utilise pour l’étreinte d’Amma : il s’agit d’une évidence, soudain la gratitude nous saisit devant l’Essentiel enfin révélé !
et une source de joie,
Le jaillissement intime d’une joie « imprenable » comme dit Lytta Basset, il donne la couleur de notre vie, quels que soient ses aléas. Notre bonheur est dépendant des circonstances et impermanent par définition. Mais la Joie nous est donnée dans le service et la création : être là en consentement absolu, relié au Cœur intime de la Présence qui n’est pas soumise aux fluctuations des événements. C’est une joie d’aimer que nul ne peut alors nous prendre, comme en témoigne Etty Hillesum par ex dans un camp d’extermination. Il ne s’agit pas de se meurtrir comme le font certains chrétiens, sâdhus, ou autres déviants qui cultivent plutôt la performance dans le masochisme. Nous pouvons semer des gouttelettes de joies minuscules qui bénissent la vie et font surgir des fontaines où tous peuvent s’abreuver. Pensons par exemple au travail des clowns dans les hôpitaux eu simplement à l’éclat de rire qui fuse sans retenue.
décision d’un engagement au quotidien, là où l’on est, dans les bonheurs, heurts et malheurs de notre incarnation.
L’engagement, s’il ne se renouvelle pas au quotidien, reste théorique. La roue tourne sans cesse avec des hauts et des bas : c’est au centre, au moyeu qui relie les rayons que nous pouvons dire merci quoi qu’il advienne. Que savons-nous de l’enseignement des épreuves ? Si nous regardons en arrière, il y a bien des moments que nous aurions voulu éviter sur le coup et maintenant, nous ne voudrions pas perdre cette croissance qui nous permis de devenir nous-mêmes.
Car cultiver l’émerveillement,
Oui, c’est une culture, c’est à dire un choix : préparer le terrain, semer, nettoyer, arroser etc. Rosette Poletti a publié aux éditions Jouvence un cahier de gratitude : l’idée est simple, chaque jour écrire une raison de dire merci. Car il ne suffit pas d’y penser, il faut l’inscrire dans une expression, de même que tous les rituels qui célèbrent le sacré dans une forme. Oser la formuler pour guérir de nos bains de grisaille qui finissent par nous rendre malade. La gratitude est contagieuse comme le reste… C’est aussi se pencher sur une occasion, même minime, d’émerveillement et dire à l’ami à côté de soi « t’as vu, t’as senti comme c’est beau ? » les enfants le font très bien. L’ami ce peut être aussi le voisin grincheux, une inconnue qui passe, et surtout la Présence amie au cœur de nous, avec laquelle nous sommes en dialogue, que nous n’oublions pas…
ce n’est pas se bercer d’illusion dans un monde de « bisounours ». Il ne s’agit pas de nier les failles de chagrin, ni oublier la résistance à l’immonde !
Certes nos chagrins, nos révoltes, nos fatigues nous n’avons pas à les nier. A les recouvrir d’une belle couche de doré qui va craquer un jour ou l’autre. Il ne s’agit pas de perdre la lucidité, ni la vigilance. Mais au bord de la faille, parfois au pire de l’abandon, si nous savons desserrer l’angoisse, nous pouvons tout à coup voir l’autre côté. Par exemple dans la flaque de boue polluée par une noire essence, le jeu chatoyant des couleurs qui glissent à la surface ;
Lâcher prise des refus et récriminations, la gratitude appelle au pardon, donc à la clarification et dépôt des plaintes, renoncer à entretenir ce qui fait en nous obstacle au flux de la Vie.