La danse est sacrée

Danses sacrées…Pourquoi, comment « sacrées »? 

 

Tout ce qui lève notre corps en rythme est une libération du statique, un jeu de notre chair , une étincelle ou un brasier de joie donc précieuse, que ce soit tango, gavotte, ou… quelle que soit sa forme !
Mais nous allons avec Geneviève découvrir, approfondir une perspective à la fois intime et déployée aux dimensions de l’univers.

La danse est sacrée par notre intention, elle ouvre à un sens que nous découvrons et qui germe dans nos vies ; elle peut transformer notre quotidien sinon, à quoi bon ? Sa vibration se propage dans la mémoire du corps et le frémissement de l’âme. Elle est sacrée comme offrande de soi à Soi, c’est à dire à plus grand, plus mouvant, plus émouvant que notre petit moi dépendant des événements, quel que soit le nom que nous lui donnons, c’est la Présence que nous célébrons. Offrande donc qui nous sort de l’habitude désenchantée.

Dans la Bhagavad-Gîtâ, Krishna qui représente l’Infini dit au disciple:
« Celui qui m’offre avec amour une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, je bénis son offrande …Quoique tu fasses, quoique tu manges, quoique tu offres,… fais-le en me le dédiant »

Le déroulement de la danse: un fil de soie flexible, fluide, qui nous relie au Centre. Les danses traditionnelles sont très souvent en ronde, en mandala mouvant, en spirale respirée : ce n’est pas par hasard. Toujours neuves dans l’instant du corps en mouvement, toujours réinventées et reçues en même temps puisque la transmission vive traverse les âges. Nos ancêtres dans toutes les civilisations ont appris à vivre ensemble par des rythmes partagés. Ils ont laissé des traces lumineuses dans l’espace-temps et dessiné leurs empreintes sur cette même terre que nous habitons aujourd’hui. Ils ont mis en corps et musique leur vie de travail, de révoltes ou  plaisirs partagés, de désir frémissant, de deuils et de renaissance. Et les enfants de nos enfants danseront aussi les couleurs de leur vie. Ils inscriront, comme nous, dans leurs membres, dans leur chair et leur mémoire, le rythme et les cycles de l’incarnation consentie. Les formes peuvent se modifier, s’ajuster, elles révéleront toujours la gratuité généreuse de la Manifestation. Le jeu (Lila) de Ce qui est au-delà de toutes formes et tous noms, une danse !  La spontanéité créative vibre (spanda) et se démultiplie.

Nous pouvons danser seul(e) et relié(e) à notre être intime, comme le roi David devant son Dieu. Ou comme Shiva Nataraja (seigneur de la danse) créant le monde et le détruisant pour le faire renaître sans fin dans la roue des flammes sacrées. Comme les particules et les quanta  entre hasard et nécessité… Nous pouvons aussi chercher ensemble la transe libératrice ou la construction réparatrice d’une structure transmise et précieusement gardée efficiente.

Toute danse nous déplace, nous libère et nous invite à oser.

Le déséquilibre transitoire est la loi puisqu’il faut perdre l’appui antérieur pour risquer le pas neuf qui relance le mouvement infini. On peut danser avec douceur ou frénésie. Tout se danse en fait dans les facettes multiples de nos vies. Tout, aussi bien la douleur, la rage, l’abandon, l’impuissance que le désir, la tendresse, la paix, la jubilation, la compassion, la ferveur. C’est alors une transmutation car nous ne sommes plus submergés mais émergeant au-dessus des vagues… C’est aussi pratiquer l’audace libératrice, prendre le risque : de se tromper, de patouiller et rire, lâcher l’obsession de maîtrise, de singularité, de réussite, et de perfection pour revenir, humblement, imiter le geste collectif, fondre ses pas dans ceux des autres. Cela suppose d’apprendre de ses échecs, de ses limites et recevoir, se donner sans réserve. Vivre la ferveur. Danser comme on vit, sur le fil, étirant la conscience entre les pôles opposés, habitant un espace polarisé et trouvailler avec grâce et légèreté.

La danse nous libère du mental qui ressasse, elle est sacrée par l’orientation du cœur corps (kula pour la tradition tantrique shivaïte), elle enchante le monde. Elle invite à inscrire dans un corps vibrant la mystérieuse Conscience Infinie qui se déploie en nous dans un mouvement en expansion à la fois très intime et au-delà de tout. Et elle se propage alors que nous devons aussi accepter les limites du corps soumis à la loi de l’entropie. Nous pouvons regarder les autres comme le vieillard aime voir jouer les enfants complètement absorbés dans leur jeu, ou contempler le jeu des nuages. En Joie.

Ouvrant notre cœur, nous pouvons toujours:
Faire danser le Feu en nous
Faire ruisseler la Source en nous
Faire se lever le Souffle de Vie en nous
Faire reverdir la Terre d’Amour en nous

Nos atomes dansent encore alors que se repose le corps.
Ainsi s’étend et s’étendra vers tous les êtres notre pratique dédiée.