Transcription enseignement oral 11 et 14/04/2021

Karma et réincarnation
façons de voir la réincarnation et le sens de la vie.

 

Dans la vision du Moyen Orient, de l’hindouisme : Il y a une entité, un être qui change de corps et d’incarnation avec un fil directeur qui est toujours le même mais non identifié à l’incarnation qui est là. Son incarnation actuelle est la conséquence de son karma et ce qu’il vit préside à sa prochaine incarnation. C’est la conception de l’hindouisme et du bouddhisme : le samsara serait un cycle sans fin dont on aimerait s’extraire pour arriver au Centre. Dans le bouddhisme chaque incarnation est un agrégat de plusieurs souvenirs vécus par des personnes différentes un peu comme des personnages dans une pièce de théâtre où ça peut être à la fois la victime le bourreau, le sauveur et l’indifférent dans une histoire et la personne qui renaît a tous ces aspects à travailler dans cette vie. Dans le bouddhisme nous ne sommes personne. C’est une illusion de croire que l’on est quelqu’un et donc on espère arriver au nirvana, on se fond dans l’infini. Cela peut être vécu comme quelque chose de très beau, ou bien comme une sorte de négation de la vie. Dans cette optique-là , il n’y a pas de souffrance parce qu’il n’y a personne pour souffrir. Dire qu’il n’y a pas de souffrance ne nous aide pas forcément pour savoir comment la vivre. Si tout est illusion, la souffrance aussi est une illusion, l’épreuve, la joie, l’amour ….sont une illusion. Mais les bouddhistes entretiennent la mémoire des enseignements du Bouddha. Dans le côté extrême  il n’y a que le «JE suis » et sinon il n’y a rien. C’est bien, sur un certain plan, mais ce n’est pas ce plan que nous sommes en train de vivre au quotidien.
La réincarnation est  une vision qui peut aider ou enfermer. Dans le dialogue Arjuna/ Krishna et dans le tantrisme, tout est vibration, danse de l’Infini et nous sommes une goutte de cet  Infini. C’est important d’être à la fois un et dans l’unité. Je ne sais pas si on se réincarne parce qu’on a une sorte  de dette et qu’il faut encore rentrer dans l’illusion. Cela me semble assez épuisant et négatif. Je serai plutôt proche du christianisme qui dit que chaque personne laisse sonner en elle, à travers, per – sonne (c’est l’origine du mot personne), cette présence infinie qui est au cœur d’elle, qu’elle est, et en même temps elle est un être unique. Elle est dans une unicité. Elle est « infiniment précieuse », Rimpoché, terme utilisé par les bouddhistes. C’est à nous de voir ce qui va nous nourrir.

Dans ma pratique thérapeute j’ai parfois utilisé une écoute de scénario, de rôles qui semblent éclairer leur vie actuelle et qu’on peut appeler des vies antérieures. Je suis sûre que des vies antérieures existent. Il faudrait être fou pour croire qu’il n’y a pas eu de vies avant nous. J’ai parfois été fascinée par les sensations précises d’une histoire qui semble éclairer les aléas traversés par une personne. Cela ne veut pas dire que cette personne a été machin ou truc, mais ça veut dire qu’il y a des vibrations mémoire qui sont   là et qui sont agissantes et parfois ça peut être utile de regarder. Maintenant j’essaie de recevoir sans le dire. Le problème est que nous sommes tellement obnubilés par notre ego, si en plus on ajoute « j’ai été machin… » Ça surcharge plutôt. Alors non, pas intéressant dans une voie d’allègement et de transparence.

Mes deux maîtres croyaient vraiment à la réincarnation. Tous les 2, Gabriel et Mataji croyaient que nous avions plusieurs vies et qu’il y avait le temps. Ils étaient tranquilles. Ils n’étaient pas tendus dans cette expérience de sortir du samsara, de trouver l’éveil. Je ne crois pas que la vie incarnée soit une sorte de punition de laquelle il faut se sortir. Je trouve que c’est une vision extrêmement négative.

Un extrait de lettre de Gabriel Monod Herzen qui s’adresse à chacun de nous dans la meilleure part de nous-même :

« Faisons confiance à la Vie en nous rappelant la devise : Point ne se tourne qui fixe une Étoile !

C’est en toi même, au centre de ton être que se trouve Cela qui attend : nul ne peut, ni ne doit, prendre sa place ; car s’il est bien vrai que ton présent était en – en somme- voulu dans tes décisions passées, ce présent tisse inlassablement la toile de tes « demains », dont l’aspect sera l’image de ce que tu appelles ton dharma. Car  le dharma, c’est la volonté de la Vie, et la capacité de comprendre, comment l’immense athanor du cosmos nous accepte comme  élément, étincelle de vie, espoir et joie. »

 

Épreuve et gratitude de vivre, souffrance. Responsabilité.
Pourquoi ne nous aurions nous pas fait cadeau de cette vie ? Et pourquoi la manifestation ou la création serait quelque chose de pervers ? Pourquoi ce ne serait pas pour s’émerveiller et rendre grâce ? Pour rencontrer, retrouver, devenir cet infini que nous sommes et qui habite au cœur de nous.C’est la vision du yoga intégral de Shri Aurobindo. Nous sommes en transmutation, accordant tous les planset en devenir comme dans un athanor alcchimique.

Je reviens à l’épreuve, ce que l’on voit quand on côtoie les personnes, on s’aperçoit que les  personnes les plus plaintives, il ne leur est presque rien arrivé. Et quand il leur arrive quelque chose elles en font tout un plat, elles ne sont pas du tout préparées à être contrariées. Or on souffre, on se fait souffrir mutuellement, on met au monde les enfants. Ils vont souffrir. Tous les enfants sont traumatisés rien que de naitre peut être. A mon avis, c’est ainsi que l’on a des artistes. C’est pas la peine de se rendre malade à l’idée que cela doit être parfait. Ce n’est pas possible.  Mais on est aimé.  Pourquoi y aurait-il une espèce d’instance qui nous plongerait dans un enfer ? Dans le tantrisme le samsara et le nirvana c’est la même chose. C’est une danse. Est-ce que les épreuves sont là pour enrichir notre conscience? On aurait envie de la croire. On voit des personnes qui ont traversé des épreuves terribles et qui sont rayonnantes. Alors ça fait contraste. Certaines personnes se protègent de tout et sont très malheureuses. Dans le christianisme on peut promouvoir un masochisme spirituel, dans le fait de souffrir, comme Jésus. C’est une mauvaise compréhension. C’est peut être bien si la personne donne un sens à sa souffrance en l’offrant et c’est elle qui donne ce sens, qui fait ce  choix. Elle s’oriente. Dédie.

Nous sommes comme des grains de sable, des étoiles dans le ciel. On sait peu de choses  on a à vivre notre vie comme elle nous est donnée en essayant vraiment d’orienter notre regard. Souvent les épreuves nous font évoluer. Au début on est dans une grande souffrance et  puis c’est un peu comme dans les étapes sur la mort, on peut nier, être en colère, marchander, être déprimé et finalement on peut arriver à une acceptation , un Fiat, un Mektoub, un Inch’Allah, un «que Ta volonté soit faite ». On se fond dans le courant de la vie et quelquefois on remercie. Des personnes ont évoqué des épreuves très difficiles et exprimaient que, au bout d’un certain temps, Il y a le facteur temps, ces épreuves ont été la clé d’une transformation intérieure en particulier vers l’Essentiel, ramenée à l’Essentiel et du coup leur a permis de créer. Il y a une joie à créer et la joie n’est pas incompatible avec la douleur.

Reste une interrogation éthique sur la responsabilité (qui est étymologiquement la réponse que nous apportons aux événements). Nous pouvons discerner les faits que nous avons suscités, par notre attitude, nos négligences et ce à quoi nous sommes confrontés sans aucun lien apparent avec nos actes. Attention à notre tendance à nous culpabilise ou à culpabiliser l’autre. Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui nous arrive  mais nous sommes responsables de ce que nous faisons des épreuves  que nous traversons. Nous sommes dans des systèmes de pensée qui ne doivent pas nous figer, nous enfermer. Donner du sens ce n’est pas obligatoirement expliquer, justifier,  mais plutôt orienter.  Et c’est bien donner une direction pour le futur. Nous devons danser avec. L’amour est au-delà des systèmes.

Il y a donc le nécessaire discernement, la vigilance mariée avec l’abandon confiant, l’examen de conscience (Ignace de Loyola) pas dans le mauvais sens du terme. Consciemment j’examine, je regarde ce qu’il y a dans ma vie, dans mes choix, ce que je peux modifier. Cela ne sert à rien de se culpabiliser sur ce qu’il y a eu avant. Ne pas oublier la patience, mais éviter l’enlisement en ne posant pas des actes. Il y a une longue maturation et parfois tout à coup ça s’éclaire, c’est mûr.

Un grand poète Khalil Gibran  dit : «Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie  ». C’est la même mesure.