Réflexions sur la transmission: MADHURI été 2017
Quelques pistes à creuser, développer ou bien simplement grains à germer un jour… Vous pouvez survoler ou prendre un passage, ne rien lire, tout commenter, comme cela vous plaît !
Je mets en exergue une grande formule de l’alchimie, elle sera présente dans ce stage.
En alchimie mystique, l’acronyme V.I.T.R.I.O.L. se décrypte Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem et se traduit par« Visite l’intérieur de la terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée » Je reprends cette référence dans mes réflexions…
« Qu’as-tu laissé passer à travers toi ? » Question des Grecs antiques à l’entrée dans l’au-delà.
Nous parlions de transmission, au départ songeant à ceux qui donnent ou donneront, peut-être, ce qui nous appelons des « cours de yoga », interface commode pour accueillir – corps esprit âme – des personnes qui viennent pratiquer ensemble une démarche qui les ressource. Cours de yoga : être relais d’une sagesse immémoriale qui trouve une forme adaptée à la situation présente, par exemple un cours collectif avec un horaire, un prix, un protocole, bref un cadre.
Et un minimum d’étude et un apprentissage continué etc…Mais il n’y a et n’y aura pas d’école de yoga, purna yoga Voie du Cœur. De la formation, on la trouve partout. C’est aussi un commerce juteux, comme celui qui tamponne des « thérapeutes » sans mise au travail personnel. La discrimination est nécessaire, de la validité des sources et de notre motivation profonde. Comment relier l’acquisition d’outils pertinents et la clarté de la lignée en nous ? « Rectificando ! »
Transmetteur : il s’agit d’un engagement et d’une attitude intérieure qui rejaillit sur toutes les manières de vivre, et ici… d’enseigner.
Mais bien au-delà, nous sommes tous concernés.
Certains d’entre nous par leur engagement social ou la nature de leur travail (thérapeute, enseignant, psycho, artiste…) sont peut-être plus que d’autres amenés à trouver la forme qui ne fera pas cloison étanche entre leur vie intérieure et sa manifestation. Ils portent témoignage d’une dimension que chacun attend au creux de soi. Une parole fécondée, adaptée, éclairée, qui rappelle la découverte jubilatoire de la Pentecôte.
Mais tous, nous pouvons « parler en langues » quand nous lâchons prise, dans un expir, à nos peurs et prétentions pour recevoir l’inspiration du souffle. Il nous arrive, par exemple, de nous entendre soudain dans un accompagnement d’ami en détresse, lui dire des paroles ailées, ou trouver un geste que nous inventons (invenies)
Transmission qui nous dépasse ; langage du corps, des actes et postures comme positionnements dans la vie.
Et l’abandon des prétentions, la clarté simplement de nos vies au quotidien, c’est le travail de chacun. Travail parce que « rectificando », rectifier, tenir le cap, laver, désherber, arroser, maintenir une orientation. Travail fait de découvertes, retrouvailles avec les enseignements nourriciers et création qui fait jubiler en nous l’enfant intérieur. C’est « invenies sans cesse » et pour tous. Ce verbe latin que l’on retrouve encore dans l’expression « Inventeur de trésor » conjugue la découverte et la créativité : Mettre à jour le trésor, et en être responsable, garant, créateur. Pour soi, pour l’autre.
La transmission c’est d’abord un désir de partage, un vœu de ne pas garder pour soi le trésor découvert (invenies donc !). Mais aussi une expérience marquée au feu de la joie parfois étonnante, paradoxale (dans un accompagnement douloureux par ex) imprévisible et qui signe la Présence à l’œuvre. Occultum lapidem
Devenir passage suppose à la fois un travail personnel persévérant et patient d’apprentissage, d’honnêteté, de discrimination et de dépouillement. Cela peut soulever des crises de l’ego. Il se rebelle ou se dénie, compare, jalouse, accuse et se décourage. La patience et la foi peuvent le ramener doucement à s’incliner. Une délivrance parfois subite mais plus souvent progressive, en continuité. Ne jamais brusquer ce petit moi auquel nous nous identifions et qui peut revenir empoisonner le discours intérieur :
« Quelle est ma place ? Je ne suis pas reconnu. Pourtant j’ai fait tant d’efforts ! Et pourquoi l’autre est-il préféré ? On ne respecte pas mon rythme, ma sensibilité (hyper, bien sûr !). Et puis j’en ai marre, je souffre, j’ai peur : que va-t-il rester de moi si je lâche tout ? »
C’est l’Amour qui peut rassurer cette part infantile de nous-même et l’éduquer, le conduire : « Gamaya »…. Appel « conduis-moi », qui s’adresse au Soi, germe d’infini au cœur de nous-même.
Et cet Amour, cette foi, est générée par un engagement sans réserve, profond, vécu. Il s’agit d’une transparence à la Présence en nous « sat chit ananda » sans laquelle nos connaissances et pratiques sont creuses et desséchées.
Transmettre c’est donc d’abord vivre – au quotidien – la Voie du Cœur. C’est notre choix et notre joie qui portent témoignage. C’en est fini d’être une victime (harcelée par le monde ou les autres).
En cela, nous sommes tous concernés par la transmission puisque irradiés au cœur. Nous apprenons à laisser rayonner Ce qui nous dépasse, ne serait-ce que par une puissante « bonne » humeur qui ne dépend pas des circonstances. Un consentement à Ce qui est sans démission, et surtout sans accusation ou compensation par une accumulation de « choses », voire de savoirs.
Maintenant, vous pouvez vous mettre au creux de vous et évoquer un geste, un texte, une parole, un mudra, une asana, une expérience, une résonance, un temps où vous avez été traversé par la voie du cœur et avez senti qu’elle allait ouvrir un espace de vie pour votre être profond, pour l’autre, d’autres, touchés intimement. Voyez en vous l’œuvre qui vous transmute.
« Qu’as-tu laissé passer à travers toi ? »
Je vous laisse à vos écritures ou réflexions ou simplement respirez et contemplez la beauté du ciel et de la terre. Soyons au rendez-vous !