Les Brahmavihāra

Les Brahmavihāra

4 attitudes spirituelles positives qui orientent vers le Cœur, Centre.

Étymologiquement les demeures de Brahma, l’infini divin. Ces pratiques méditatives de la bienveillance, de la compassion, de la joie sacrée et de l’équanimité sont communes à l’hindouisme, au jaïnisme et au bouddhisme.
Les Brahmavihāra  sont des aspects que nous pouvons développer immédiatement dans notre cœur ici et maintenant, afin que les choses puissent se manifester telles qu’elles sont. De toujours : Sat Cit Ananda.

En sanscrit : Maitri ; Karuna ; Mudita ; Upeksha.
Comme dans les mandala, 4 portes reliées au Centre, orientations qui tiennent ensemble et se complètent. Parfois reliées aux points cardinaux, aux Éléments, à l’espace du corps etc.

 Maitri

 «  Souhait que tous les êtres trouvent le bonheur et les causes du bonheur »

(Dérivé du mot amitié : Développer pour tous les êtres ce que nous souhaitons pour nos amis)
 C’est l’amour bienveillant et la gentillesse inconditionnels. Une disposition de  bonté infinie envers tous les êtres, y compris soi-même, sans jugement ou rejet. Bienveillance antidote de la division intérieure ou extérieure guérison de la méchanceté, le malveillance et le jugement
« L’un des moyens d’engager  maitri dans notre expérience, est de noter quand nous sentons une résistance, une irritation ou une aversion dans l’esprit. Se souvenir alors de ne pas réagir, ni ajouter quoi que ce soit de négatif ou d’hostile à l’expérience. Développer une attitude de non aversion ou de coexistence paisible avec ce qui s’élève dans l’esprit, c’est déjà pratiquer maitri.
Ce que nous cherchons à faire – et la bienveillance que nous pouvons avoir pour nous-mêmes, nous y aide – c’est de voir ces schémas, d’en prendre conscience pour pouvoir les lâcher. Ce lâcher prise n’est pas quelque chose que nous décidons. Nous ne voulons rien. Nous ne faisons rien. C’est notre attitude, notre acceptation, notre prise de conscience qui conduisent à ce lâcher-prise.

 « Y a-t-il quoi que ce soit dans mon expérience de l’instant qui ait besoin de Maitri, de bienveillance, de bonté ? » Bien entendu nous n’allons pas nous mettre à l’affût. Si rien ne se présente, cela convient. Nous demeurons simplement dans cette bienveillance fondamentale et cette acceptation de nous-mêmes. Nous laissons simplement les choses se manifester. C’est vraiment très simple, mais souvent très difficile. C’est la raison pour laquelle nous devons  être , attentifs, trouver le bon niveau d’effort, de vigilance, qui ne fasse pas obstacle à notre exploration. Si nous poussons trop, si nous faisons un effort trop intense ou si nous tentons de changer les choses, nous nous écartons à nouveau de l’acceptation fondamentale.

« Ne pousse pas la rivière… elle coule toute seule «  

Karuna,

« Souhait que tous les êtres soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance » 

Compassion infinie envers tous ceux qui peinent ou sont dans l’ignorance, une compréhension de la souffrance qui refuse l’apitoiement ou la dureté de cœur, refuge dans le cynisme égoïste (« c’est son  problème »). Une attention d’amour en actes, pensées, prières, sans attente de récompense ni s’identifier à un rôle de sauveur plus ou moins épuisé ou hypersensible.  Le vœu de boddhisatva : ne pas être sauvé tout seul. Nécessite une discrimination, du recul et de clarifier « justice et/puis  miséricorde » Action qui rayonne, en tendresse et fraternité pour tous les êtres. Par exemple la pratique de Tonglen par la respiration, l’engagement auprès des « prochains ». Mais aussi karuna dirigée vers soi, avec patience, débarrassé de la fixation égocentrique d’une prétendue indignité, des préjugés et de la saisie.

Boudhisme :Avalokiteshvara (Tchenrezi) et Tara , Bouddhas de la compassion .
 Histoires : Tchenrezi à 11 têtes et 1000 bras, naissance des 21 Taras…
Caritas en Latin : la Charité, a donné le « care » en anglais…

  Mudita

« Souhait que tous les êtres trouvent la joie exempte de souffrance »

Joie infinie devant la cessation de souffrance chez et le rayonnement au cœur des êtres. Altruisme qui se réjouit devant le  bonheur des autres et surtout la réalité de la bonté et la beauté qui sont notre nature intrinsèque, fondamentale. Joie qui dissout la jalousie et l’envie, l’excitation mauvaise que procure le malheur d’autrui. Notre ouverture efface progressivement les frontières entre notre propre moi et celui des autres.

Upeksha  

« Souhait que les êtres demeurent égaux et en paix quels que soient les événements, bons ou mauvais, qu’ils soient libres de partialité, d’attachement et d’aversion ».

Équanimité infinie dans la connaissance de l’impermanence et du jeu (lila) de la manifestation. Impassibilité éclairée au delà des parti pris et du désordre émotionnel . Pose un regard de tranquillité, de paix, en recul du jeu aversions/ préférences. Guérit de l’inquiétude et du pessimisme amer. Vision sereine qui permet de ne pas s’identifier et de rejoindre un plan où s’efface toute l’importance que l’on donne aux événements et émotions. (même racine que épiscope en grec : « voir du dessus »)

Ces qualités  développées à un niveau ultime  deviennent illimitées, on les dit incommensurables. Elles ne sont  plus limitées à un individu, à nous-mêmes ou à nos proches, aux situations auxquelles nous sommes mêlés, mais elles imprègnent toutes choses. Et tout l’univers pour ainsi dire. À ce stade elles sont la manifestation d’un esprit éveillé.
Un sutra illustre  cette pratique délibérée en forme de souhait:

« Je demeurerai en faisant rayonner un esprit de bienveillance,
Dans un quartier de l’univers, et de même pour le second quartier, le troisième, le quatrième,
Et de même au-dessus, au-dessous, à travers,
Et partout dans sa totalité ;
Envers chacun comme envers moi-même,
Je demeurerai faisant rayonner en tout lieu de l’univers,
Avec un esprit imprégné de bienveillance,
Large, profond, élevé, incommensurable,
Sans haine et libéré de toute inimitié. »

Exactement la même pratique s’applique à la compassion, à la joie et à l’équanimité. Il s’agit à chaque fois de répandre ce vœu dans la conscience que nous avons du monde. Changer notre regard sur les êtres en adoptant une disposition plus ouverte et plus favorable. Cette pratique des Quatre Incommensurables implique que l’on dépasse les cadres limités de sa petite subjectivité. Par exemple, on aime ses parents, ses amis, son chien et son poisson rouge. Ce qui nous est demandé , c’est de dépasser cela pour cultiver un esprit qui contemple l’infini et l’illimité en s’imprégnant de cette bienveillance, de cette compassion, de cette joie et de cette équanimité à l’égard des inconnus, des gens qu’on ne regarde même pas ou même d’animaux insignifiants. Cela s’étend aussi à nos ennemis et à ceux qui nous font du mal. Cela s’étend pour les êtres sensibles proches de nous qui apparaissent dans notre vie, mais aussi pour ceux qui sont lointains et que l’on ne verra peut-être jamais (dans cette vie-ci du moins).

Pratique spatiale.

On peut placer devant soi la bienveillance Maitri ; tourner par la droite Karuna, le détachement et la compassion active ; se sentir porté , béni par la présence derrière soi d’une joie qui ne dépend pas des circonstances, Mudita. Et à gauche Uppeksha en paix rayonnante dans le détachement.  Au Centre est le guru, le lama intérieur, le samadhi qui illumine au delà de tout, où s’abolissent alors les directions.

Dans la dualité de nos vies et notre psychisme, nous avons à équilibrer karuna et uppeksa…
C’est donc à la fois une pratique assidue, un exercice qui trace un sillon pour combler nos ornières, une prise de responsabilité. Un outil précieux utilisé par des générations de maîtres et disciples.
Et une grâce contagieuse (gurukripa) qui ouvre en nous des espaces jusqu’à la vastitude infinie, à la fois vacuité (Śūnyatā)  et plénitude (Purna). Une orientation, un vœu de vie qui nous transforme.
Cette ouverture à l’infini nous invite à un amour du prochain, mais aussi du lointain ! D’un cadre limité, on étend progressivement ces sentiments de bienveillance, de compassion, d’équanimité et de joie altruiste à l’univers entier. L’espace devient notre demeure. Et qui sommes-nous sinon le Présence illimitée qu’on peut appeler Bouddha, Jésus, ELLUI, ou tout autre représentation de Cela qui est au-delà de tout ?

« Y a-t-il une seule âme, si matérialiste soit-elle, qui ne souhaite se déployer ? Il ne peut y en avoir. C’est dans le déploiement de l’âme que le but de la vie s’accomplit »           Hazrat Inayat Khan

« La dimension cosmique est le point de vue de l’ange ou l’Eveil. Sortir de sa prison en se demandant comment ai-je pu me laisser enfermer ? Engendrer sa vastitude, transférer le sens de son identité, vers une dimension impersonnelle puis cosmique de son être.
La seconde dimension est transcendantale, remonter de la plante vers la graine jusqu’à atteindre le prototype, l’Archétype. Voir celui qui vous pense et qui vous a créé. Se sentir pensé plutôt que pensant, et contemplé comme un objet d’art. L’Aube de notre conscience est une pure étincelle du soleil. Méditer c’est pénétrer dans le Sacré, se laisser pénétrer par la Gloire divine, la Splendeur, la Glorification ».      Pir Vilayat Inayat Khan (ami de Gabriel Monod Herzen)

Équilibrage, « balance » entre les pôles qui aimantent ce mandala  vivant en nous :
Comment rester vulnérable et témoigner de la Source de joie imprenable ? Tresser une voie avec karuna et uppeksha ?
Comment entendre ce qui fait souffrir l’autre ou me bouleverse, sans solution, sans pitié, en déjouant les comparaisons, les accusations et culpabilité ? Être au Centre de la voie, étiré intérieurement mais sans contamination émotionnelle, ni ruse ou complaisance, ni fuite ni pitié. Tenir en fraternité, être là pour l’autre et tenir les limites du temps imparti, ne pas contribuer  à patauger dans le marécage des répétitions et  plaintes entretenues.
Celui qui écoute et voit, le fait au centre de l’être, au cœur de la voie, exerce son attention et son orientation, accepte son impuissance et dédie, en Paix. Il prend conscience avec bienveillance des échos en lui, de ses « ratages » et apprentissages, ne se précipite pas pour donner une « solution miracle » mais apprend patience et confiance dans le mystérieux « mûrissement » de la grâce (urvariu), donc sans désespérer mais ferme dans la relation.

Roue ailée

Tenir au centre d’une croix
La roue ailée des paradoxes
L’Amour sans ruse et sans pitié
Creuse un espace spiralé

Simplement respire entre les rayons
Danse et tourne avec cet instant
Immobile et qui roule un courant
Que tu ne peux saisir : respire
Et tu seras le centre étoilé.